par Anissa Ghedied

Moira Millán est une weychafe (guerrière), écrivaine et militante mapuche qui lutte activement pour les droits des femmes autochtones, la décolonisation des terres autochtones, et la reconnaissance des exactions commises à leur encontre. À la place des sociétés capitalistes et néo-coloniales, Moira Millán suggère un modèle de société alternative, le « Buen Vivir », qui est à la fois une philosophie de vie et un projet politique, inspiré des valeurs et traditions ancestrales autochtones. Le Buen Vivir prône une vision du monde différente où l’humain n’est pas supérieur aux non-humains, mais un habitant de la Terre au même titre que tout autre être non-humain, nous invitant ainsi à concevoir une réciprocité des peuples avec la Terre.
Née en 1970 en Argentine, Moira Millán grandit dans un bidonville à Bahía Blanca, car sa famille a été contrainte par le gouvernement argentin de quitter ses terres. À cette époque, la dictature est en vigueur en Argentine, influencée par le national-catholicisme du régime franquiste, et les répressions contre les peuples autochtones sont d’une si grande violence que ces derniers sont obligés, pour survivre, de cacher aux descendants leurs origines autochtones. Ainsi, pour la protéger, les parents de Moira Millán choisissent de lui transmettre une éducation chrétienne et taisent leurs origines mapuche et tehuelche.
À l’âge de 18 ans, Moira Millán se détourne de l’église chrétienne et renoue avec ses racines mapuche, en retournant sur les terres ancestrales de son père dans la province du Rio Negro. Elle découvre un lien spirituel tellement fort avec sa terre natale qu’elle décide de s’y installer. Débute alors son combat acharné pour la récupération des terres appartenant aux peuples autochtones. En effet, le gouvernement et les multinationales se sont successivement approprié des terres qui ne leur appartenaient pas, en chassant, réprimant et terrorisant les populations mapuche qui y vivaient. Moira Millán s’est organisée avec d’autres femmes autochtones mais aussi avec sa fille pour revendiquer leur appartenance à cette terre. En 2022, le documentaire La rébellion des fleurs de Maria Laura Vasquez retrace la lutte des femmes mapuche qui, en 2019, ont occupé pacifiquement le Ministère de l’Intérieur, afin de dénoncer l’expropriation des territoires mapuche par l’entreprise de textile italienne Benetton.
Dans son premier roman El tren del olvido (Le train de l’oubli) publié en 2019, Moira Millán dénonce l’invasion militaire, économique et culturelle par le gouvernement argentin des territoires autochtones de Patagonie. À travers le train, symbole de la modernité occidentale, elle montre que l’introduction des chemins de fer dans la région a apporté davantage de dévastation, de violence et de pauvreté. Plus récemment, en 2024, Moira Millán publie Terricidio, un essai qui décrit les crimes et les désastres écologiques causés par les politiques expansionnistes et capitalistes. Elle invente le terme « terricide » pour nommer les exterminations de toutes formes de vie humaines comme non-humaines faites au nom de l’appropriation et de l’exploitation coloniales des terres par des multinationales et des gouvernements néolibéraux. Cet essai est annoncé prochainement pour une publication en français aux éditions Des Femmes, avec une traduction de Lucía Dorin.
OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Collectif "Littératures autochtones", coord. Cécile Brochard (22 janvier 2025). Moira Millán (Mapuche). Littératures autochtones (Amérique - Australie). Consulté le 13 juin 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/134s4